Inspiration #3 Interview de Muriel Barnéoud (La Poste) - Massaï Concept
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Inspiration #3 Interview de Muriel Barnéoud (La Poste)

Inspiration #3 Interview de Muriel Barnéoud (La Poste)

Il y a des interviews qui démarrent sur les chapeaux de roues et donnent le « LA ».  Dès les premières minutes Muriel, directrice de l’engagement sociétal de La Poste nous demande d’aligner nos paroles à l’action en coupant nos Webcams. L’objectif: Réduire l’impact environnemental.

Banco. Nous débutons l’interview sur de bonnes bases.

 

Bonjour Muriel, pouvez- vous vous présenter et nous présenter la Direction de l’Engagement Sociétal de La Poste?

Avant tout, la Direction s’appelle « Engagement Sociétal », pas RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) , c’est important.

Aujourd’hui c’est un peu banal. Mais quand on l’a créé il y a plus de 3 ans, nous n’étions que 4 à avoir ce titre-là. Mes homologues chez Total, BNP, AG2R et moi-même.

« Nous voulions entrer dans quelque chose de plus pro-actif ; pas dans la réparation mais dans l’anticipation ou dans le fait d’aller plus loin avec ce terme d’engagement »

On a voulu ce terme d’Engagement et non pas de RSE pour sortir d’une idée de souffrance, et de « compliance » ou même « d’action réparatrice » auquel le mot « Responsabilité » peut renvoyer.

Nous voulions entrer dans quelque chose de plus pro-actif ; pas dans la réparation mais dans l’anticipation ou dans le fait d’aller plus loin avec ce terme d’engagement.

C’est important pour La Poste que les engagements sociétaux soient incarnés et portés par tous les collaborateurs au quotidien. (vous trouverez l’essentiel de ces engagement sociaux sur https://www.groupelaposte.com/fr/publications/2018 )

L’idée est d’infuser toutes les sphères de l’entreprise, ses processus, la conception d’une offre, son déploiement, la gestion du quotidien, de projet, les choix d’investissement etc. Que cela pénètre le business et que nos clients y adhèrent pas qu’au sens intellectuel du terme.

Nous avons donc décidé, compte tenu de ce niveau d’intensité, que nous devions être assez sélectif sur le choix des problèmes que nous voulions traiter.

Les 4 grandes transitions

Nous avons donc choisi 4 problèmes, 4 grandes transitions de la France, de l’Europe et d’ailleurs dans le monde en général :

§   la transition démographique : le problème du vieillissement, de l’isolement et de la capacité de le traiter de façon digne

§   la transition numérique avec ce qu’elle génère en tant que dévoreuse de planète et sa capacité à exclure

§   la transition écologique, énergétique et l’économie circulaire.

§   la transition territoriale et la question de la fracture territoriale, comment faire ensemble la société. Comment continuer à être une unité ce qui est au fondement de l’histoire de La Poste et de sa naissance.

Nous répondons à ces 4 grands problèmes par 3 engagements :

§  Le maintien de la cohésion sociale et territoriale aussi bien avec des offres nouvelles qu’avec des approches renouvelées

§  L’avènement d’un numérique éthique et responsable

§  L’accélération des transitions écologiques

Prenons un exemple : La Poste a un engagement très métrique lorsqu’on parle de l’énergie : c’est la neutralité carbone. Cette neutralité est valable pour l’intégralité du groupe La Poste.

Nous sommes le seul acteur logistique européen à pouvoir nous en prévaloir avec la réduction de notre impact d’émission de gaz à effets de serre de plus de 20 % depuis 2013 avec un objectif de -30 % d’ici à 2025.

Nous nous inscrivons bien évidemment vers l’objectif de zéro émission nette de la France à 2050.

1)   Quel est votre regard sur la crise traversée par La Poste ? Qu’observez vous ?

D’abord nous sommes une OIV « Organisation d’Importance Vitale » ce qui impose une continuité d’activité. Donc notre premier défi c’est déjà de fonctionner.

Pourquoi est-ce un défi pour nous ? Tout simplement parce que notre présence territoriale est considérable avec 17 000 points de contact et 72 000 facteurs qui font quotidiennement à peu près 50 fois le tour de la terre. C’est une emprise énorme.

Et nous sommes évidemment avec une population de postiers qui est également touchée. Ils ont des enfants qui ne vont pas à l’école, ils sont auprès de gens malades ou certains sont eux-mêmes malades.

Nous fonctionnons avec des effectifs qui sont réduits. Le maintien en activité est donc un sujet compliqué compte tenu des ressources disponibles.

Ensuite il est complexifié par les conditions dans lesquelles le maintien de l’activité doit s’exercer. Nous nous calons sur les directives sanitaires du gouvernement. Nous devons être en capacité de mettre à disposition des masques, du gel, des gants… et tous les dispositifs qui permettent de respecter les gestes barrières.

De surcroit nous devons désinfecter lorsqu’un cas est détecté. Nous pouvons ainsi nous retrouver par exemple à devoir fermer un site momentanément.

Enfin nous sommes également engagés dans de nombreuses opérations de solidarité. Nous sommes sollicités par l’État et par des associations afin de les aider sur des opérations logistiques.

2)   Justement, avez-vous une belle initiative du groupe La Poste à nous partager ?

Je peux vous citer une des plus innovantes: une des premières application qui permet de s’auto-diagnostiquer, et donc de désengorger le 15, a été développée par Docaposte filiale numérique du groupe La Poste.

« L’éducation nationale nous met à disposition les cours, les exercices… Nous les imprimons via Docaposte et les acheminons aux élèves « 

Autre exemple, comme vous le savez l’éducation nationale « a perdu » entre 5% à 8% des élèves au sens où elle n’arrive pas à les joindre. Au delà des questions de zones blanches, beaucoup de familles ont un seul PC voir pas de PC, d’imprimante. Difficile dans ces cas de rester connecté à l’école.

Par le biais des enseignants, l’éducation nationale nous met à disposition les cours, les exercices… Nous les imprimons via Docaposte et les acheminons aux élèves.

3)   Quels sont pour vous les défis auxquels le Groupe La Poste va être confrontés lors du retour à la normale ?

Notre premier sujet sera l’engorgement de nos opérations avec le traitement de tout le passif. Nous avons des instances en souffrance et des établissement engorgés.

Comme pour toutes les autres organisations notre deuxième défi sera le retour des personnes en télétravail quand les conditions sanitaires le permettront. Nous lançons justement une étude en interne pour mesurer le pourcentage de postiers qui souhaitent réintégrer ou rester en télétravail.

Ensuite réside la grande question des métriques économiques. Nous devons faire face à un effondrement de nos activités et aucune autre activité complémentaire ne vient compenser cette perte. Auquel nous devons ajouter une interrogation que la crise aura accélérée : la question de la Dématérialisation du courrier.

Ce sujet est extrêmement sensible car il a un impact sur notre rentabilité. Une variation d’un ou deux points à la baisse représente une variation de 100 ou 200 millions d’euros. Et comme nous le savons, le courrier dematérialisé ne se rematérialise jamais, les conséquences sont donc très importantes.

4)   Pour vous, qu’est ce que la crise doit faire changer dans la stratégie de nos entreprises? 

La crise aura révélé le besoin fondamental de La Poste.

Qu’il s’exprime sous la forme de protestations lorsque nous ne sommes pas ouverts ou lorsque le courrier est acheminé plus lentement.

Ou qu’il s’exprime sous la forme de satisfactions via des actes de reconnaissance auprès des facteurs ou des guichetiers.

Et ce qui est étonnant c’est de quelle façon ce monde dématérialisé raconte son besoin de Poste.

Paradoxalement ce besoin ne repose pas tant sur notre mission historique liée au « courrier » mais plutôt sur les besoins de demain. Il s’agit de toutes nos offres autour du colis, des portages de repas, la visite des personnes isolées, les outils numériques de confiance pour les personnels de santé ou bien nos solutions de logistique urbaine c’est-à-dire nos solutions régulées, mutualisées.

Et c’est cela qui est très intéressant et très en phase avec ce que nous mettons en avant dans L’Essentiel de nos engagements sociétaux.

« Ce que je trouve intéressant dans cette crise ce sont ces angles morts qui sont éclairés »

Comme le dit Ghislaine Alajouanine au sujet de la télémédecine : nous avons effacé 30 ans de retard en trois semaines.

Pour ce qui est du télétravail la crise aura permis la même évolution : on ne travaillera plus jamais comme avant.

Ce que je trouve intéressant dans cette crise ce sont également ces angles morts qui sont éclairés. Nous nous apercevons que l’inclusion numérique ne concerne pas que les personnes âgées mais qu’il y a aussi un problème avec des jeunes.

Nous nous rendons également compte que nous avons besoin de Poste dans un monde qui est supposé très dématérialisé. Nous avons besoin de liens, nous ne réclamons pas des robots mais des gens!

Il y a même des choses que nous n’avons pas envie de retrouver : la pollution, les embouteillages, la mauvaise qualité de l’air, les bruits ! Si nous pouvions les oublier en sortie de crise…

5)   De votre point de vue quels sont les enseignements pour demain? C’est quoi le monde d’après?

C’est un véritable sujet le « après crise »… parce que pour moi tout est 50/50 ! rien n’est joué! Ni dans un sens, ni dans l’autre. Nous nous devons d’être vigilants si nous voulons que ce soit du bon côté. Malheureusement tout est également armé pour que ça reparte mal. Par exemple les plans de relance axés sur la demande alors que nous étions plutôt sur un modèle économique basé sur l’offre.

« Ce n’est pas seulement avec un plan de relance que nous allons sortir de cette crise. Mais c’est avec un projet de société, un rêve, une vision »

Les comportements des individus sont difficiles à appréhender. Par exemple à la sortie de la crise, les plus grosses dépenses effectuées par les Chinois sont les achats de voitures…

Un autre sujet du monde d’après est de repenser la gestion des frontières avec ce qu’elles peuvent avoir de bénéfiques (en terme de relocalisation, d’entraide entre les pays) ou de néfastes (risque de fermetures des frontières, et de « chacun pour soi »).

De plus, en France nous avons sous les yeux la fracture sociale que la crise va accentuer. Une fois que nous aurons fait le bilan dans les différents quartiers des grandes villes voir en périurbain, nous aurons les ingrédients pour amorcer quelque chose qui relève plutôt de la fracture que de l’unité.

Nous avons donc un sujet fort, celui de la mobilisation. Mobilisation pour accélérer les axes vertueux et être dans le bon sens sur la gestion des transitions; celles que je vous ai citées.

La pyramide de Maslow pourrait aussi dé-prioriser la mobilisation pour la planète et les enjeux sociaux. Les besoins sociaux, environnementaux seront traités quand les besoins primaires le seront. Et dans ce cas de figure, il faudra peut-être tout recommencer.

En parallèle l’effondrement du prix du pétrole met une pression sur les questions de rentabilité surtout sur les énergies renouvelables. Des députés européens s’activent pour que « le Green Deal » ne passe pas à la trappe, alors que dans un même temps d’autres ne veulent plus en entendre parler.

C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut se mobiliser. Car rien n’est encore écrit, c’est une question d’affrontements. Il y aura des forces obscures et des forces bienveillantes…

Conclusion

Je pense enfin à tous les voisins qui se découvrent à 20h. Ils finissent par se faire coucou sans se connaître. Tout cela est très humain et nous élève pour résoudre les problèmes de fracture sociale, les plus dangereux pour moi. Dangereux car ils alimentent les populismes, tous les extrémismes.

Comme le dit Philippe Herzog, c’est le moment de sortir un projet de société. Ce n’est pas seulement avec un plan de relance que nous allons sortir de cette crise. Mais c’est avec un projet de société, un rêve, une vision.

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